I- DEFINITION
Le mégaoesophage
idiopathique (MOI) est un œsophage qui est augmenté dans ses dimensions, aussi bien en longueur
qu’en largeur. C’est une maladie dont l’étiologie reste inconnue d’où le nom de
mégaoesophage idiopathique ou de mégaoesophage primitif, appelé aussi achalasie ou cardiospasme.
Il est caractérisé, sur le plan fonctionnel, par l'absence de péristaltisme sur le corps de l'œsophage et par une achalasie qui est l'absence de relaxation normale du sphincter inférieur de l’œsophage (SIO) après une déglutition.
II- EPIDEMIOLOGIE
- Son incidence est faible.
- Il se voit à tout âge mais reste très rare chez
l’enfant.
- Il touche généralement l’adulte jeune : 40 ans.
- Le sex-ratio = 1.
- Il existe des formes familiales mais rarement.
III- ANATOMOPATHOLOGIE
A-Macroscopie :
A un stade avancé :
- Le corps de l'œsophage est
allongé pouvant atteindre 45 cm, et il est dilaté avec un diamètre supérieur à 7 cm.
- Son extrémité inférieure
est rétrécie.
- Ses parois sont épaissies
de manière diffuse.
B-Microscopie :
Ø Atteinte du système
nerveux intrinsèque : caractérisée par l’absence ou la raréfaction de l'innervation
intrinsèque intéressant les plexus de Meissner et d'Auerbach.
Ø Atteinte du système
nerveux extrinsèque :
- Au niveau du nerf vague (X), il existe une
dégénérescence wallérienne.
- Une réduction du nombre des cellules
nerveuses au niveau des noyaux moteurs dorsaux du X et de la partie caudale
du noyau ambigu.
Ø Atteinte de la musculature lisse œsophagienne.
IV- SYMPTOMATOLOGIE CLINIQUE
Ø Au stade de début de
la maladie :
C’est une dysphagie : +++
- c’est le maître symptôme, quasi-constant.
- le plus souvent basse.
- le plus
souvent intermittente, entrecoupée de
déglutition normale.
- souvent paradoxale :
plus marquée pour les liquides que pour les solides.
- non
douloureuse.
-
capricieuse.
-
aggravée par le stress et par certains aliments.
-
soulagée par certaines manœuvres.
-
avec une conservation de l’état général et examen clinique est normal.
- ces
signes fonctionnels objectivent le
caractère fonctionnel de la dysphagie.
Ø
Au stade de la grande
dilatation : après des années :
- la dysphagie devient
permanente, rapidement progressive voire totale et s'accompagne de :
- régurgitations alimentaires.
- douleurs rétro-sternales, pseudo-angineuses.
- amaigrissement.
V- EXAMENS COMPLEMENTAIRES
A-Endoscopie :
Ø
La fibroscopie digestive haute : permet :
- de préciser l’état de la muqueuse œsophagienne.
- de réaliser des biopsies au niveau de la sténose si
nécessaire.
- d’éliminer une autre cause de sténose du bas
œsophage en particulier un cancer de l’œsophage
Ø
A un stade de début :
L'œsophage est de calibre
normal ou légèrement dilaté avec présence
parfois d'un rétrécissement régulier souple au niveau du bas œsophage
qui est franchi par l’endoscope avec un signe de ressaut.
Ø A un stade évolué ou
tardif :
L'œsophage est plein d’aliments, le corps de l'œsophage est dilaté et atone sans contraction .Il y a une sténose du bas œsophage. Cette dernière est souple et régulière.
B- Radiologie :
1-Radiographie thoracique :
Peut mettre en évidence un élargissement de l’opacité médiastinale.
2-Transit oeso-gastro-duodénal(TOGD) :
Ø Au stade de début :
- L'aspect de l’œsophage est voisin de la normale en calibre et en longueur.
- Une
discrète stase de la baryte dans le corps de l'œsophage.
Ø A un stade avancé :
- Le corps de l’œsophage est
légèrement distendu.
- La présence d’un rétrécissement
régulier bien centré du bas de l’œsophage « en queue de radis » ou « en
bec d’oiseau ».
- Une stase de la baryte.
Ø Au stade terminal :
- Une dilatation importante de l’œsophage avec
augmentation de sa longueur réalisant un méga-dolicho-oesophage.
- L'œsophage devient coudé donnant l’aspect
dit « en chaussette ».
- Une stase de liquide et de débris alimentaires au niveau de l’œsophage.
C- Manométrie œsophagienne :+++
- C’est
l’exploration qui permet le diagnostic de
certitude du MOI +++.
- Deux critères sont
majeurs : +++
1-La perte du péristaltisme du
corps œsophagien = apéristaltisme.
2-Le défaut de relaxation du SIO.
-L'élévation de la pression basale du SIO n’est pas constante et donc non indispensable pour le diagnostic (signe mineur).
V- COMPLICATIONS
A- Œsophagite de stase :
L’aggravation de la dysphagie, de son caractère douloureux peuvent faire évoquer le diagnostic de l’œsophagite, mais c’est l’endoscopie qui fera la preuve.
B- Cancer de l’œsophage :
-Le MOI est une lésion pré-néoplasique pouvant
se compliquer de cancer de l’œsophage dans 5% des cas et ceci après une longue histoire de MOI.
-C’est un carcinome
épidermoïde.
-Une surveillance endoscopique et histologique régulière est nécessaire.
C- Complications infectieuses :
Elles sont en rapport avec les régurgitations intra- trachéales,
surtout nocturnes. Il peut s’agir :
-D’infections
broncho-pulmonaires.
-D’abcès du poumon.
VI- DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
A- Achalasies secondaires :
1- Cancer de l’œsophage : +++
- Apparition récente des symptômes, en moins d’un an.
- Amaigrissement +++
-Tout
l’intérêt de L'endoscopie avec les biopsies.
2- Sténose
peptique :
-L'interrogatoire
retrouve une symptomatologie de reflux gastro-œsophagien (RGO) précédant la dysphagie.
-L'endoscopie révèle les lésions d'œsophagite.
3- Maladie de Chagas :
-C’est une maladie
parasitaire due à Tripanozoma Cruzi.
-Le
tableau clinique est celui du MOI.
-L’examen clinique découvre d'autres méga-organes : hypertrophie des parotides, un mégacôlon ...
B- Autres troubles primitifs de l’œsophage :
-Dominés par les spasmes
diffus de l’œsophage.
-Ils sont caractérisés par des douleurs thoraciques et une dysphagie. Le TOGD révèle des spasmes segmentaires et la manométrie permet de faire le diagnostic.
VII- TRAITEMENT
A- But :
- Améliorer la dysphagie.
- Diminuer la pression du SIO.
- Préserver la barrière anti-reflux.
B- Moyens :
Plusieurs options
thérapeutiques existent mais il n’existe actuellement aucun moyen susceptible
de restaurer le trouble neurologique.
1-Traitement médical :
-Les dérivés nitrés et les inhibiteurs calciques sont des produits qui agissent sur le muscle lisse de l'œsophage :
Nifédipine en sublinguale : AdalateR : 10 à 20 mg avant
chaque repas.
-Elle réduit :
-La pression au niveau du SIO dans environ 50% des cas.
-L’amplitude des contractions œsophagiennes.
-Mais : -Leur
efficacité est limitée et leur action est éphémère.
-Ne peuvent être prescrits au long cours du fait de leurs effets secondaires : des céphalées, des œdèmes des membres i inférieurs …..
2-Traitement endoscopique :
Ø Dilatation pneumatique
de la sténose :
-Se fait à
l’aide de ballonnets calibrés et à forte pression.
-Son
objectif est de dilacérer les fibres musculaires du SIO, donc baisser la pression du SIO.
-Ses
résultats sont excellents avec contrôle des symptômes dans 60 à 90% des cas et action prolongée.
Ø Injection de toxine
botulinique :
-Son mécanisme d’action est la suppression de la
libération d’Acétylcholine par les
plexus myentériques et donc la
diminution de la pression de repos du SIO.
-Les
injections se font en intra-sphinctérien per-endoscopique de 80 à 100 Unités.
-Mais leur effet thérapeutique n’est pas prolongé.
3-Traitement chirurgical :
Ø
La cardiomyotomie
extra-muqueuse ou opération de Heller : consiste à réaliser
une section des 7 à 8 derniers cm de l'œsophage concernant les deux couches musculaires de l'œsophage tout en
respectant la muqueuse et la sous muqueuse. Les résultats sont bons dans 80
à 90% des cas.
Ø Se fait actuellement par cœlioscopie entre mains expérimentées.
C- Indications :
Ø Au
stade initial de la maladie, avec des symptômes modérés, un traitement médical peut
être indiqué dans l’attente d’un traitement endoscopique ou chirurgical.
Ø Le
traitement endoscopique est indiqué chez les patients âgés et à
risque opératoire élevé.
Ø Chez le sujet jeune, âgé de moins de 40 ans, ou en cas d’échec de la dilatation endoscopique, le traitement chirurgical doit être indiqué.
VIII- CONCLUSION
- Le mégaoesophage
idiopathique est le trouble moteur œsophagien primitif le plus fréquent. Son évolution est lente (des
années). Son diagnostic repose sur des critères cliniques, endoscopiques,
radiologiques mais surtout manométriques.
- Après avoir éliminé toute pathologie organique, le MOI reste un
diagnostic d’élimination devant une dysphagie.
-Le traitement par dilatation endoscopique semble être aussi efficace
que le traitement chirurgical.
- Un message à retenir : devant toute dysphagie avec endoscopie
digestive haute normale, penser au MOI. Ceci permet un diagnostic précoce au
stade d’achalasie.
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