Le plus souvent révélé dans l’enfance. À suspecter si déviation patente des axes oculaires ou anomalies transitoires dans la position du regard. — Nécessite une prise en charge précoce.

Définition 

Absence de parallélisme des axes visuels entraînant une perte de la vision binoculaire. Origine non connue. Aucun gène direct localisé.
Pour les strabismes fonctionnels, 3 hypothèses :

  • anomalie de la commande cérébrale d’origine génétique,
  • fibrose congénitale ou défaut d’insertion musculaire,
  • trouble de l’accommodation-convergence. 

Épidémiologie

 3 à 4 96 de la population, quels que soient la forme ou l’âge.
Atteint également les deux sexes.
Si antécédents familiaux, les strabismes débutent au même âge et sont similaires (dépister précocement les frères et soeurs).

Diagnostic

Rechercher une déviation

Reflets cornéens : une lumière projetée sur les 2 cornées (avec une simple lampe électrique) entraîne des reflets centrés sur les pupilles.

— Reflet dévié en temporal = oeil convergent (ésotropie) [fig. 2].
— En nasal = oeil divergent (exotropie) [fig. 3].
— Inférieur = oeil hypertropique (plus haut) [fig. 4].
— Supérieur = oeil hypotrophique (plus bas) [fig. 5].
Toute déviation doit entraîner une consultation spécialisée.
Test à l’écran : consiste à masquer un oeil pendant que l’autre fixe une cible éloignée ou proche. L’oeil non caché ne doit pas bouger. Quand on lève le cache, il doit rester immobile et les reflets cornéens centrés et symétriques sur les pupilles (orthophorie).
Il dissocie la vision binoculaire et révèle :
— un strabisme latent (déviation provoquée par l’écran, puis restituée spontanément lorsqu’il est levé = hétérophorie),
— ou constant (déviation permanente = hétérotropie).
On peut observer un réflexe de défense si l’oeil caché n’est pas l’oeil amblyope ou un mouvement de l’oeil « décaché » si ce dernier est l’oeil fixateur qui récupère alors sa fixation. Les déviations en dedans sont plus fréquentes que celles en dehors. Celles vers le bas ou vers le haut sont plus rares.
Mesure des angles de strabisme : effectuée au test à l’écran, à l’aide de prismes (1 mm de déviation = 7° d’angle = 14 dioptries). Les strabismes à grand angle sont plus faciles à dépister que ceux à petit angle (microstrabisme), leur prise en charge est plus rapide et le risque de séquelles moindre.

Éliminer 

Une origine organique. 
Responsable d’une rupture de la vision binoculaire : cataracte, choriorétinite ▪ (toxoplasmose congénitale), tumeur oculaire (rétinoblastome)…
Une paralysie oculo-motrice. 
Pouvant entraîner une position vicieuse compensatrice.

Strabisme fonctionnel 

Touche essentiellement l’enfant.

Classification 

Strabismes congénitaux : peu fréquents (5 à 10 % des cas). Généralement découverts vers l’âge de 3 mois. On retrouve parfois une fibrose musculaire relative qui expliquerait ; leur survenue très précoce.
Strabismes accommodatifs Ils surviennent dans la majorité des cas entre 18 mois et 2 ans, à l’âge où l’accommodation est fortement sollicitée (l’enfant est naturellement hypermétrope et doit accommoder en permanence pour voir nettement en vision de près et de loin).
Les accommodatifs purs disparaissent totalement avec le port de verres correcteurs de l’hypermétropie. Pour les accommodatifs partiels, l’angle diminue mais ne disparaît pas complètement après correction, il reste une petite déviation dite essentielle. 90 % des strabismes sont ésotropiques, monoculaires et convergents.

Deux problèmes 

Sensoriel : l’oeil dévié est à risque d’amblyopie avec perte irréversible de la vision binoculaire. ▪ Chez les enfants, la diplopie disparaît en quelques heures. Le cerveau supprime une des deux images concurrentielles en la neutralisant.
Moteur : la déviation d’origine musculaire induit un préjudice esthétique. Pour compenser l’inconfort lié à la diplopie, les patients adoptent pendant un temps une position vicieuse de la tête qui permet de réduire le décalage visuel entre les deux images.

Traitement 

Dure en moyenne 2 à 3 ans.
Nécessite un suivi régulier sous peine de récidive rapide de l’amblyopie.

Corriger l’acuité visuelle 

Réfraction sous atropine : neutralise au maximum l’accommodation, révèle l’hypermétropie latente, évite d’induire de fausses mesures réfractives. La puissance réfractive mesurée sera exactement celle du système optique, sans action accommodative.
Correction optique totale : relâche totalement la stimulation accommodation-convergence et laisse le strabisme sans composante accommodative. Avec les verres correcteurs, l’oeil sera donc au « repos » physiologique. La prescription de verres de lunettes vise une correction optique totale. Après un mois de port, remesurer l’angle pour savoir quelle est la part résiduelle sans l’accommodation, et donc l’angle réel du strabisme.

Prévenir l’amblyopie 

Objectif : stimuler l’oeil dévié pour alterner la fixation. L’enfant doit utiliser indifféremment les deux yeux.
Plusieurs moyens existent :

  • caches obturants : portés par l’oeil directeur (plusieurs heures par jour ou en permanence pendant un temps donné) pour stimuler la vision cérébrale du coté non occlus ; 
  • secteurs : collés sur les verres de lunettes pour stimuler l’alternance ; 
  • filtres Ryser : diminuent l’acuité visuelle d’une valeur calibrée ; 
  • pénalisations visuelles optiques ou médicamenteuses : dans certains cas difficiles pendant plusieurs mois, voire années. 

La récupération peut être obtenue en quelques mois, la stabilisation peut demander plusieurs années. Surveiller la reprise de fixation régulièrement pour éviter les bascules d’amblyopie.

Corriger l’esthétique

Par la chirurgie, une fois le problème sensoriel réglé. Le port des lunettes en a nettement diminué les indications.
Classiquement, les ésotropies s’améliorent avec l’âge et les exotropies s’aggravent. Donc selon l’angle restant avec les lunettes, deux possibilités :

  • l’angle est faible : une ésotropie s’atténue avec la croissance, une exotropie se majore ; 
  • l’angle est important : nécessite une prise en charge chirurgicale pour rétablir en partie le parallélisme des axes visuels. 

Les enfants, généralement opérés entre 4 et 5 ans, peuvent parfois récupérer une vision binoculaire.