I – DÉFINITIONS 

– L’ictère rétentionnel dit chirurgical est une coloration jaune des téguments (peau et muqueuses) causée par une augmentation du taux de bilirubine conjuguée dans le sang et cette situation est due a une diminution ou un arrêt de l’excrétion biliaire secondaire à un obstacle sur les voies biliaires.
– Le taux de bilirubine normal est inférieur ou égal à 10mg/l. Il est constitué essentiellement de bilirubine conjuguée.
– Lorsque la bilirubinémie est juste au dessus de 15 mg/l, elle entraîne un subictère et l’ictère franc apparaît quand celle-ci dépasse 30 mg/l.

II- DIAGNOSTIC POSITIF 

A/- Diagnostic de l’ictère :

La recherche de l’ictère se fait à la vue et doit être faite sous la lumière naturelle dite du jour. En effet la lumière artificielle, la couleur jaunâtre des lunettes et des murs, des draps ou certains vêtements du patient, peuvent avoir un reflet sur le patient et lui donner un aspect ictérique .De ce fait il ne faut pas hésiter à déplacer le patient, pour éviter toute interférence et l’examiner sous la lumière du jour. L’ictère est flagrant quand il est cutané ; cependant la recherche d’un ictère débutant ou subictère se fait d’ abord au niveau des conjonctives en abaissant, par appui doux, la paupière inférieure. Sa recherche au niveau des muqueuses se fait surtout au niveau sous lingual en demandant au malade d’ouvrir la bouche et de soulever la langue.

B/- Le syndrome clinique de choléstase :

L’obstacle sur les voies biliaires entraîne un ensemble de signes cliniques qui évoquent l’ictère retentionnel ou chirurgical, c’est le syndrome de choléstase clinique et qui associe à coté de l’ictère
1-Urines foncées :
C’est un signe important que rapporte le patient et qui sera vérifié ou recherché par le médecin en demandant au patient d’uriner dans un bocal transparent en verre clair .
2- Selles décolorées :
L’absence ou la réduction du taux de bilirubine dans le tube digestif terminal donne des selles dépourvues de leur couleur jaune habituelle et prennent une couleur de pâte de farine dite blanc mastic :
3-Sétatorhée :
Ce sont des selles riches en graisses non digérées et ceci est du a l’absence de bile nécessaire a leur émulsion .Les selles deviennent alors luisantes et collent aux toilettes et sont difficiles a chasser.
4-Prurit :
C’est un signe inconstant.Il se voit dans les obstructions quasi complètes et prolongées (cancer de la tête du pancréas, lithiase enclavée dans le bas cholédoque, traumatisme de la voie biliaire principale…) autrement c’est le cas surtout des ictères néoplasiques ou le prurit peut parfois précéder l’ictère .Le prurit est du a l’accumulation des sels biliaires dans le corps qui stimulent les terminaisons nerveuses au niveau cutané .Le malade se gratte devant le médecin ou alors ce dernier doit chercher les lésions de grattage causées généralement par les ongles.
La caractéristique du prurit ,est son caractère généralisé a tout le corps depuis la plante des pieds jusqu’au cuir chevelu .Les lésions de grattage peuvent s’infecter et donner un impétigo ou être a l’origines de lésions ecxématiformes et peuvent simuler une gale.

C/- Examen clinique :

L’examen clinique général, surtout de l’abdomen doit chercher :
-Un gros foie de choléstase : l’obstacle sur les voies biliaires entraîne un engorgement de bile dans le foie ; ce qui entraîne une hépatomégalie ou foie de choléstase .C’est un foie qui est augmenté dans son ensemble de façon homogène avec un bord inférieur mousse.Ces caractéristiques le destinguent d’un foie cirrhotique, tumoral ou métastatique qui est habituellement hétérogène.
-Une grosse vésicule : sa présence indique que l’obstacle est situe en aval de l’abouchement du canal cystique dans la voie biliaire principale. Elle se traduit cliniquement par une masse rénitente piriforme d’allure kystique qui se projette sur l’aire de la vésicule biliaire. On palpe surtout sa partie antérieure qui correspond au fond de la vésicule biliaire .C’est une masse qui est mobile avec la respiration profonde. Elle peut être absente même si l’obstacle est situé en dessous de la convergence du canal cystique et de la voie biliaire principale et ce-ci en cas de cholécystectomie ou si la parois vésiculaire est épaissie notamment en cas de vésicule tumorale ou scléroatrophique.
Il est classique d’évoquer un cancer de la tête du pancréas en premier devant tout ictère retentionnel avec une vésicule palpable, c’ la loi de Courvoisier et Terrier.
-Des xanthomes ou xanthélasmas : ce sont des lésions cutanées blanchâtres, légèrement surélevées dues a l’excès de cholestérol dans l’organisme .Ces lésions siégent surtout au niveau des paupières.

D- Le syndrome de choléstase biologique :

Le bilan biologique permet de confirmer la choléstase clinique notamment en cas du subictère et de chercher es signes de souffrance hépatique.
Signes de choléstase : la bilirubinémie est élevée surtout au dépend de sa fraction conjuguée. Les phosphatases alcalines sont augmentées, leur dosage est très intéressant surtout dans les choléstases dites anictérique ou l’ictère est fruste. .Le dosage des autres enzymes hépatiques qui sont élevées est rarement demande ; ce sont les gamaGT , les 5’nucliotidases…
Par ailleurs,la malabsorption des lipides intéresse également les vitamines liposolubles (A,D,E K) ;Or la vitamine k est nécessaire pour la synthèse de certains facteurs de coagulation dits vitamines k dépendants notamment la transformation de la prothrombine en thrombine.ainsi le taux de prothrombine peut être diminué. L’injection IM de la vitamine K corrige le TP ce qui constitue un teste

E- Sémiologie échographique :

L’échographie est le moyen le plus simple, rapide et pas cher pour le diagnostic .Le signe majeur de l’obstacle est la dilatation des voies biliaires intrahépatiques qui, normalement non individualisables, deviennent visibles a l’échographie sous forme d’images hypoéchogènes multiples, millimétriques et diffuses a tout le foie.Quand la VBP est dilatée, elle réalise avec le tronc porte une image dite en canon de fusil. Les obstacles tissulaires sont échogènes sans cône d’ombre et les lithiases sont hyperéchogènes avec cône s d’ombre.

IV- DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE :

Une fois le diagnostic clinique et ou biologique de l’ictère retentionnel posé, il faut essayer de situer le niveau de l’obstacle sur les voies biliaires et d’évoquer sa nature bénigne (lithiasique en générale), ou maligne.

1- L’ictère lithiasique :

L’obstacle est le plus souvent d’installation brutale et il est incomplet sauf en cas de calcul bloqué au niveau de la partie terminale du cholédoque : on parle alors de calcul enclavé. Par ailleurs l’obstacle est dans la plupart des cas intermittent.
Ainsi l’ictère retentionnel lithiasique est le plus souvent bruyant d’installation brutale ; et le malade accuse des douleurs de l’hypochondre droit ou de l’épigastre type coliques hépatiques avec parfois vomissements et frissons. En effet, l’obstacle lithiasique peut entraîner une infection des voies biliaires Le syndrome infectieux fait de frissons parfois intenses et de fièvre, quand il existe, s’installe quelques heures après le début des douleurs. Puis l’ictère apparaît .La succession de douleurs, fièvre et ictère en 24 à 48 heures caractérise la triade de VILLARD. Le plus souvent l’ictère régresse voir disparaît rapidement comme il était apparu .C’est ainsi qu’il s’agit d’un ictère d’installation brutale, intermittent, variable et qui évolue sur un terrain avec conservation de l’état général.

2- L’ictère néoplasique :

a- mécanisme de l’ictère :
Le cancer entraîne un blocage de bile au niveau des voies biliaires extrahépatiques par envahissement ou compression de la lumière biliaire Le cancer bloque la voie biliaire principale progressivement, sans régression et de façon complète et rapidement définitive.
b- signes cliniques :
Ainsi l’ictère s’installe progressivement et évoluant en un seul tenant, sans rémission (sauf en cas de nécrose tumorale qu’on peut voir dans les tumeurs de l’ampoule de VATER (ampulomes vaterien).L’ictère devient de plus en plus intense et vire vers le vert. Le prurit presque constant s’intensifie de jour en jour. Les signes infectieux sont rares contrastant avec une stase biliaires et une dilatation volumineuse des voies biliaires et ce-ci est du au caractère complet de l’obstacle qui empêche l’ascension des germes intestinaux dans les voies biliaires. L’état général s’altère avec l’évolution.
c- diagnostic topographique :
La tumeur entraîne une dilatation des voies biliaires en amont, ce qui permet de localiser le niveau de l’obstacle.
Ainsi la tumeur de hile donne l’impression d’une dilatation isolée des voies biliaires intrahépatiques La VBP et la vésicule biliaire ne sont pas dilatées.
Le cancer de la tête du pancréas est responsable d’une dilatation en amont qui intéresse la VBP extrahépatiques, la vésicule biliaire et les VBIH. L’association d’un ictère retentionnel progressif sans rémission et d’une vésicule palpable correspond à un cancer du pancréas jusqu’ preuve du contraire (loi de COURVOISIER ET TERRIER).
Lorsqu’on est devant le même tableau clinique avec une VBP visible sur tout son trajet, et sans masse pancréatique évidente, il faut évoquer une tumeur de l’ampoule de VATER ou ampulome vaterien.
Le calculo-cancer entraîne une dilatation des VBIH et de la convergence. La VBP sus et rétro pancréatique n’est pas dilatée. La vésicule biliaire, quand elle est palpable, est ferme voir manifestement tumorale. Ailleurs, c’est a l’échographie qu’on évoque le diagnostic devant une vésicule a parois épaissie et a contenu tissulaire associe ou non a des calculs.

3-autres étiologies :

-Le kyste hydatique : il entraîne un ictère beaucoup plus par rupture ou fissuration dans les voies biliaires intrahépatiques, que par compression de la VBP. Le contenu du kyste, fait de vésicules filles et de membranes hydatiques envahit la VBP et gène l’évacuation de la bile. Les signes infectieux sont le plus souvent présents. Le patient peut présenter une masse hépatique palpable correspondant au KHF. L’état général est le plus souvent conserve.
-Le traumatisme de la VBP : le traumatisme peut être du a une plaie de la VBP. Il s’ agit alors , le plus souvent ,d’ anciens malades opérés pour une vésicule lithiasique ou pour autre pathologie et qui avaient des suites opératoires anormales faites essentiellement de fuite biliaire dirigées ou non par des drains. L’ictère s’installe progressivement et sans altération de l’état général après le tarissement de la bile. Quand le traumatisme est du a une ligature de la VBP,le patient présente des douleurs post-opératoires progressive avec un ictère de plus en plus intense.
-Caillots de sang dans la VBP (hémobilie), parasitose (ascaris), dilatation kystique du cholédoque, oddite …etc.

IV- DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL

Le diagnostic différentiel se pose avec tout les autres ictères dits médicaux (hépatitique, hémolytique…). La clinique (syndrome grippal, asthénie), la biologie et surtout l’absence de dilatation des voies biliaires intrahépatiques sont contre l’ictère rétentionnel.
Il ne faut pas prendre toute coloration anormale de la peau pour ictère : La pâleur par exemple, due a une anémie chronique (notamment une insuffisance rénale), a une insuffisance hypophysaire ou a une hypothyroïdie…
Les lésions de grattage peuvent êtres également confondues avec une gale, un eczéma ou un impétigo..

V- EVOLUTION:

Non traitée, la choléstase entraîne des complications aigues à type d’angiocholite aigue et ou des complications chroniques à type de souffrance hépatocellulaire avec des signes de cytolyse qui évoluent vers la cirrhose biliaire dite secondaires avec toutes les complications connues de celle-ci. Cette dernière régresse avec la levée de l’obstacle.