I) RISQUE DE TRANSMISSION MATERNOFOETALE
Les deux principaux germes de l’IMF sont Streptococcus agalactiae et E. Coli. Viennent ensuite les autres streptocoques, les staphylocoques, Haemophilus influenzae, les autres bacilles Gram négatif ; la listériose est devenue exceptionnelle avec l’amélioration de l’hygiène alimentaire.
La contamination génitale maternelle a lieu à partir du tube digestif et par voie sexuelle : le taux de portage de SGB en fin de grossesse est de 8 à 15 %.
Trois voies de contamination de l’enfant sont décrites : chorioamniotite (transmission transmembranaire ascendante, l’infection pouvant fragiliser et provoquer la rupture des membranes,ou transmission à partir d’un foyer d’endométrite) ; transmission au passage de la filière génitale ; transmission par  voie sanguine. Lorsque le prélèvement d’endocol est positif, le risque de contamination de l’enfant est de 50 %.contamination de l’enfant est de 50 %.

A la suite de l’Académie Américaine de Pédiatrie, l’Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé a préconisé, fin 2001, le dépistage systématique du Streptocoque B (SGB) dans le vagin des femmes enceintes entre 34 et 38 SA, et a fixé des recommandations pour l’antibioprophylaxie perpartum, qui est indiquée :

  • en cas de bactériurie à SGB au cours de la grossesse ;
  • en cas d’antécédent d’infection néonatale à SGB ;
  • en l’absence de prélèvement vaginal de dépistage du SGB, devant la présence d’un des facteurs de risque suivants : accouchement survenant avant 37 SA, durée de rupture des membranes > 12 h, ou température maternelle > 38°C au cours du travail.
II) PATHOLOGIE FŒTALE ET NEONATALE
L’IMF déclarée est une pathologie à faible incidence (1 à 8 pour mille) et dont le risque vital a décru depuis 20 ans : 6,7 % de décès pour Streptoccus agalactiae et 22,3 % pour les autres germes, selon des données américaines publiées en 2000. Les signes cliniques sont la détresse respiratoire, les troubles hémodynamiques, une éruption (purpura) précoce ; en rapport avec une septicémie, une pneumopathie, une méningite. Certains enfants sont paucisymptomatiques : un teint jaune paille est caractéristique du streptocoque. La plupart du temps, il s’agit  initialement de formes infracliniques.
1) Diagnostic à l’accouchement
Il s’agit donc actuellement de repérer un éventuel risque infectieux avant la naissance ou juste après celle-ci, c’est-à-dire chez le foetus ou chez un nouveau-né asymptomatique, à partir de critères essentiellement anamnestiques et du résultat d’explorations complémentaires à réponse rapide, conduisant à traiter immédiatement le foetus par l’intermédiaire de sa mère et/ou le nouveau-né dès les premières heures de vie. La reconnaissance d’un risque infectieux périnatal ou tout symptôme clinique anormal (en particulier détresse respiratoire) conduit à la pratique de prélèvements bactériologiques en salle de naissance : ils portent sur le placenta, le liquide gastrique prélevé par aspiration, et les sites périphériques digestifs (bouche, nez, anus) et cutanés (peau au niveau de l’aisselle). Les prélèvements du placenta et du liquide gastrique doivent être rapidement acheminés au laboratoire dans des tubes secs, pour examen bactériologique direct puis mise en culture ; les prélèvements périphériques sont immédiatement ensemencés sur gélose, pour culture.
Les critères anamnestiques motivant ces prélèvements figurent au tableau X. Cette pratique de dépistage conduit à prélever environ 40 % des nouveau-nés (moyenne nationale).
Tableau X: Critères anamnestiques de risque d’IMF
  • Élévation thermique maternelle ≥ 38° C au cours du travail et/ou dans les 6 h suivant la naissance
  • Rupture prématurée des membranes (avant début du travail)
  • Durée d’ouverture de la poche des eaux ≥ 12 h
  • Liquide amniotique teinté ou méconial
  • Prématuré (< 37 SA)
  • Tachycardie foetale > 160/mm et/ou anomalies patentes au monitorage du RCF
  • Score d’Apgar < 7 à M5
  • Déclenchement et/ou nombre de touchers vaginaux > 6 au cours du travail
  • Infection urinaire maternelle documentée dans le mois précédant l’accouchement
  • Infection génitale maternelle et/ou prélèvement d’endocol positif dans le mois précédant l’accouchement

Depuis les travaux de Boyer et Gotoff, une attitude préventive a été choisie par de nombreuses équipes, qui consiste à prescrire une antibioprophylaxie per partum (amoxicilline : 2 g, puis 1 g/4 h ; ou pénicilline G : 5 millions UI, puis 2,5 millions/4h) aux parturientes qui ont un ou plusieurs critères d’IMF. Cette attitude est efficace dans la prévention de l’infection néonatale précoce à streptocoque B. Elle complique l’interprétation des résultats bactériologiques obtenus chez le nouveau-né.

2) Diagnostic à la naissance
Le diagnostic est avant tout bactériologique. On attache une grande valeur à l’examen direct du placenta et du liquide gastrique, associé (si positif) à un risque d’infection multiplié respectivement par 5 et 10. Les résultats des examens directs doivent donc être obtenus en urgence, et le nouveau- né étroitement surveillé jusqu’à l’obtention de ces résultats. Les autres prélèvements bactériologiques, l’hémoculture et la culture du liquide céphalo-rachidien prélevé par PL, sont
réalisés avant toute antibiothérapie d’indication immédiate.
L’hémogramme est rarement anormal (leucopénie < 5 000/mm3 surtout, ou forte
hyperleucocytose, voire thrombopénie) dans les formes asymptomatiques. Le dosage de la CRP, protéine hépatique dont la synthèse a lieu dans les 6-8 h suivant le stimulus inflammatoire, est intéressant dans trois circonstances : lorsque la mère a reçu des antibiotiques avant la naissance ; pour suivre sa normalisation sous traitement ; pour éliminer une IMF. Sa très bonne valeur prédictive négative, lorsque le dosage a lieu après H24, est en effet un bon argument pour ne pas débuter ou arrêter un traitement. Les inconvénients de ce dosage sont les faux positifs (inhalation méconiale, nécrose tissulaire, instillation de surfactant exogène naturel) et négatifs documentés (infection à staphylocoque), et les mauvaises spécificité et sensibilité durant les 12 à 24 premières heures de vie. Les valeurs normales chez le nouveau-né sont : < 15 mg/l entre H24 et H48, < 10 mg/l à partir de J3. Lorsqu’il n’y a pas d’indication à un traitement immédiat du nouveau-né, il convient de faire, à partir de H 24 : hémogramme, hémoculture et dosage de CRP ; lorsqu’il y a une indication à un traitement immédiat, on poursuit l’antibiothérapie post-natale ≥ 48 heures après la normalisation du taux de la CRP.
3) Diagnostic final
    Colonisation : enfant resté cliniquement asymptomatique ; et culture positive (au même germe) de 3 localisations : placenta, estomac, périphérie (considérée comme un tout : la réalisation des prélèvements périphériques a pour but de renforcer les résultats obtenus sur le placenta et le liquide gastrique, qui sont les sites réellement informatifs quant à l’existence ou non d’une chorioamniotite) ; et biologie normale (pas de syndrome inflammatoire).
     Infection : enfant dont les prélèvements bactériologiques ci-dessus sont positifs, et :
  • un prélèvement central (hémoculture et/ou LCR) est positif au même germe ;
  • ou les prélèvements centraux sont négatifs, mais il y a eu des manifestations cliniques patentes d’infection bactérienne (surtout troubles circulatoires) ;
  • ou le taux de la CRP est élevé (> 20- 30mg/l) sans explication intercurrente.
III) TRAITEMENT
La gravité potentielle de l’IMF doit faire accepter l’idée qu’un certain nombre de nouveau-nés non infectés sont traités sur des arguments de présomption : élévation thermique maternelle > 38,5°C au cours du travail, association de plusieurs critères anamnestiques de risque infectieux (tableau X), signe clinique précoce notamment détresse respiratoire.
Le traitement probabiliste initial comporte habituellement une triple antibiothérapie IV qui associe : amoxicilline (100 mg/kg/j en 2-3 injections), cefotaxime (100 mg/kg/j en 2-3 injections) et nétromycine (6 mg/kg/j en 1-2 injections). Il doit impérativement être rediscuté au 3ème jour de vie en fonction des résultats bactériologiques des prélèvements effectués chez le nouveau-né et sa mère :
  • prélèvements négatifs ou colonisation : arrêt du traitement ;
  • septicémie (hémoculture positive), pneumonie et/ou élévation de la CRP : traitement de 10 à 14 jours (mono ou bithérapie) ;
  • méningite : traitement de 14 à 21 jours (mono ou bithérapie).